Martelange ne jouit pas d'une grande réputation comparé aux autres bassins susmentionnés, pourtant les ardoises qu'elle produit sont de très bonne qualité, notamment celle extraite à grande profondeur. Elles sont de couleur grise, plus tendres, plus lourdes, plus raboteuses. On y produit annuellement un million d'ardoises en 1840.
11 exploitations se partagent ce bassin sur deux pays : en Belgique à Martelange et au Luxembourg au Haut-Martelange et Rombach-Martelange : Adolphe, Angelsberg, Augustus, Carl-Edouard, Carolus, Donner, Johanna, Kuborn, Laura, Nanquette, Tornaco. Tous ces noms sont issus des propriétaires ou d'une personne de leur famille.
Les bancs d'ardoise issus du Siégenien supérieur sont divisés en trois niveaux. Ils se dirigent de l'Est vers l'Ouest et s'inclinent doucement au Sud, le pendage est de 35 à 45° mais la schistosité des bancs est de l'ordre de 62°, sur une puissance de 25 à 50m. Cela signifie grossièrement, que ce sont de gigantesques exploitations en hauteur et en profondeur, certaines chambres atteignent des hauteurs impressionnantes de 50 à 100m.
Ardoisières Lionel Donner
L'exploitation Donner tire son nom de Lionel-Frédéric Donner administrateur de la société. Il s'agit de l'ardoisière la plus importante dans la commune. Elle est située sur la rive droite de la Sûre, elle est ouverte en 1895.
On exploite les chambres (à l'explosif) en "rabattement" (c'est-à-dire en descendant), d'abord du toit vers le mur (pilier) en gradins, on y tire ainsi de grandes plaques d'ardoises. Plus tard ce travail s'est fait par découpe au fil hélicoïdal.
Pour faire face aux produits de substitution et à la concurrence venue d'Espagne, les ardoisières de Martelange ainsi que Warmifontaine et Herbeumont se regroupent au sein de l'INARBEL (Industries Ardoisières de Belgique) en 1973, mais cette association sera dissoute dix ans plus tard par la faillite de l'Inarbel.
En 1986, l'exploitation arrêtée depuis deux ans est relancée sous le nom : Les Ardoisières de Martelange et dirigée par Roger Donner (fils de Carl). En 1990, dénommée "les Ardoisières Artisanales" et passée sous la propriété du groupe luxembourgeois Guy Rollinger, l'ardoisière reprend la concession de Rombach (Luxembourg) dont l'activité est arrêtée depuis 1986. Un projet d'extension est envisagé par le creusement d'une galerie de jonction entre les deux exploitations afin d'augmenter la capacité de production. En 1989 elle produit 35 millions d'ardoises.
La fermeture est prononcée en 1995.
Voici le chevalement du puits, les molettes sont à l'intérieur de la structure en hauteur. Le chevalement est placé directement au milieu des installations de façonnage des ardoises.
Notez que les bâtiments sont principalement construits en ardoise.
Le puits est incliné selon la schistosité de l'ardoise. On aperçoit une benne de remontée.
Par rapport à notre première visite, nous remarquons qu'aujourd'hui le noyage atteint sa cote maximale : le puits est entièrement noyé jusqu'en haut.
A la sortie du puits, les wagonnets étaient orientés grâce à ces plaques tournantes vers les ateliers de façonnage.
Le puits aurait été foncé dans les années 1918 c'est-à-dire en pleine expansion de l'exploitation, sous la direction de Carl Donner. L'exploitation qui se faisait en ciel ouvert passe donc en souterrain à cette époque. Le puits atteignait la profondeur de -40m.
L'ensemble de la machine d'extraction (poulie Koepe) provient de chez Siemens.
L'indicateur aujourd'hui indique une profondeur de -170m. J'estime qu'il y a entre 7 et 8 accrochages. On peut lire "Pompe" au niveau -112 et -170.
Ce moteur daterait de 1923.
Il y a deux compresseurs Ingersoll Rand (New York).
Il reste beaucoup de machines outils en tout genre.
Une impression que tout a été figé, et que seule la poussière est venue s'installer au fil des courants d'air.
Les gros blocs sont d'abord débités en plus petit avant d'être façonnés.
Cet outil est appelé la "grande armure". Depuis 2017 elle a été transférée au musée de l'ardoise à Haut-Martelange.
L'atelier de façonnage est divisé en plusieurs aires qui représentent les différentes dimensions finales de l'ardoise. Il reste encore quelques ardoises où sont marquées les cotes.
Ardoisières Nanquette
Cette ardoisière a été fondée vers 1795 par Jean-Joseph Nanquette et prend la dénomination de SA Ardoisières Nanquette en 1929. A cette époque c'est Mathias Nanquette, l'un de ses descendants, qui lui succède.
L'ardoisière est fermée en 1957.
Mathias Nanquette sera le dernier exploitant à ouvrir une ardoisière à Martelange.
Derrière le bâtiment d'extraction (il reste à l'intérieur le socle en béton qui accueillait la machine d'extraction) se trouvait le plan incliné, l'entrée est encore bien discernable, mais obstruée. Ces deux bâtiments sont les seuls vestiges.
Radelange
Il s'agit d'une ancienne galerie de recherche (140m de longueur), dite "Galerie de Radelange".
Autre vestiges
Wissembach : Il subsiste deux bâtiments qui servent aujourd'hui pour le camping Beau Rivage.
Herbeumont
Initialement appelée Ardoisière du Grand Babinay celle-ci est appelée les Ardoisières d'Herbeumont depuis 1999 date de sa réexploitation à ciel ouvert. On y produit actuellement des parements, moellons, dallages, seuils, linteaux...
Ouverte en 1884 par un allemand dénommé Scherke, elle est reprise en 1909 par Léontine Pierlot, puis de 1920 à 1938 c'est Auguste Pierlot (son fils) qui lui succède.
De 1938 à 1940, la production est arrêtée, elle reprend de 1940 à 1941 avec Monsieur Waucquez Alphonse de Bruxelles en tant que directeur. Hubert Pierlot assure alors la succession de son frère jusqu’à la fermeture en 1956.
À cette époque, il existait un puits profond de cent mètres creusé suivant l’inclinaison et dans le mur de la couche.
L’exploitation comportait une douzaine de chambres réparties sur trois étages. Les chambres avaient en moyenne 30 mètres de longueur sur 18 à 20 mètres de hauteur. Les étages étaient séparés par des épontes, dont l’inclinaison était parallèle à la couche.
L’inclinaison des épontes était plus forte et faisait un angle de 60° avec l’horizontale. Cette disposition avait une répercussion sur le mode d’exploitation des chambres en ce sens que la partie voisine du mur d’une chambre d’un étage était exploitée par une galerie de ce niveau, tandis que la partie voisine du toit était exploitée par la galerie prolongée de l’étage supérieur. La couche exploitable avait de 45 à 50 mètres de puissance ; en direction elle était reconnue sur environ 200 mètres. La planche de pierre avait une direction N 83° E et une inclinaison S 43° ; il était possible qu’elle corresponde à un joint de stratification.
Dans cette hypothèse la direction des couches coïnciderait avec le feuilletage.
Sources :
- Les Ardoisières d'Herbeumont
Morépire
L'ardoisière est exploitée entre 1889 et 1977. C'est la dernière de la vallée d'Aise à fermer ses portes. Morépire veut dire "Pierre noire" en wallon. Elle est exploitée sur trois niveaux : -25, -45 et -60m
Le site est accessible au public depuis 1997 sous le nom "Au coeur de l'Ardoise".
Warmifontaine
L'exploitation de la pierre débute réellement vers 1845 bien que les premières connaissances de la pierre sont datées de 1578. On exploite alors les premières fosses nommées fosse Collet et fosse Marenne (du bourgmestre de Bras, Louis Marenne, qui creusa le premier puits et trouva une veine de 8m). En 1868 une nouvelle veine est trouvée et exploitée on fonce alors la fosse Sainte Barbe et le puits Saint Martin en 1900.
La première société est créee en 1876 sous le nom de Tock & Cie, du nom du propriétaire-exploitant, Mr Alfred Tock. L'exploitation se déroule jusqu'à -180m de profondeur, on produit alors 12 millions d'ardoises en 1911 avec 300 ouvriers. La société se renomme "Société des Ardoisières de Warmifontaine A. Tock & Cie".
Mais en 1912 un grave effondrement, provoqua l'affaissement d'une partie du village. L'ardoisière sera fermée pendant plus de 11 ans. Elle reprendra partiellement son activité mais cette fois beaucoup plus réduite en personnel. La production stagne entre 6 et 8 millions d'ardoises par an et décolle après la seconde guerre mondiale pour atteindre 10 millions.
En 1973 pour faire face à la concurrence, Warmifontaine ainsi que Martelange et Herbeumont se regroupent au sein de l'INARBEL (Industries Ardoisières de Belgique), mais cette association sera dissoute dix ans plus tard par la faillite de l'Inarbel en 1983. Warmifontaine est de nouveau exploité localement, par José Goffinet en 1988, mais l'exploitation ne trouvant pas suiffisamment de capitaux pour développer son activité, il crée en 2000 Schiste de Warmifontaine, qui se contente d'exploiter le terril de Warmifontaine.
L'extraction est finalement définitivement arrêtée en 2002. Ce qui fait de Warmifontaine la dernière ardoisière de Belgique. Il y avait à ce moment-là 18 ouvriers au total.
L'ardoisière est vendue en 2010 à un propriétaire de Flandres.
Warmifontaine est prononcé "Warmich" par les anciens ardoisiers.
On appelait "scailtons" les ardoisiers, provenant de scaille, ou écaille.
On appelait "cornu" la pierre servant pour la couverture des toits.
On appelait "cherbais" la pierre servant pour le dallage.
Vous pouvez visionner une vidéo très intéressante sur l'ardoisière ici
Rien ne laisse à penser de l'extérieur la découverte un lieu si beau et chargé d'histoire.
Contrairement aux exploitations utilisant uniquement un treuil, ici on a préféré utiliser un chevalement, la cage est équipée de deux plateaux superposés mais légèrement décalés et suit l'inclinaison du puits. Ce qui permet de rester droit durant la descente et de sortir par le côté afin de rattraper la voie de niveau. Attention tout de même à se baisser durant la descente, car cela rasait le ciel !
Notons que le chevalement est tout en bois et relativement bien conservé puisque l'ensemble est à l'intérieur d'un bâtiment.
Voici une belle vue du haut des molettes vers le fond, qui est aujourd'hui noyé une vingtaine de mètres plus bas.
Le poste de commande a été entièrement dépouillé.
Il s'agit d'une machine d'extraction à bobine à câble plat.
Il n'y a qu'un seul plateau qui était en service.
A la sortie du puits les berlines sont directement orientées vers l'atelier de fendage grâce à ces plaques tournantes .
Les ardoises sont déposées sur ce tapis muni de rouleaux. Elles sont d'abord dégrossies à l'aide d'une scie puis refendues successivement.
Notez que ce bâtiment est plus ancien et entièrement construit en ardoise.
Les autres bâtiments ont beaucoup moins de charme. Les bureaux sont datés de 1903.
Le lavoir est abrité dans le mur de soutènement du carreau.
Ici était installée une forge avec la présence encore d'une cheminée.
Tranquillement la vie reprend son cours.
Ardoisières Rombach
Il s'agit de l'ardoisière de Rombach plus connue à ses débuts par son nom d'Ardoisière Adolphe.
En 1902 est créee la société anonyme Ardoisières Wilhelmschacht, appartenant à Michel et Mathieu Quinet. Malheureusement ils décéderont dans un effondrement en 1905. Le site est racheté par August Rother et renommé "Grube August Adolf".
Le site est fermé en 1986.
Tout a déjà été vidé à notre première visite. En 2014 tous les bâtiments excepté celui du treuil, sont démolis.
Il s'agit d'une machine d'extraction à poulie Koepe, l'ensemble est signé Siemens.
Joanna-Laura
L'extraction de l'ardoise dans la région a débuté vers 1790 mais s'est véritablement intensifiée dans la seconde partie du 19ème siècle. L'exploitation est entièrement souterraine et menée par plusieurs familles ouvrant à tour de bras des excavations dans la couche du schiste ardoisier.
En 1835, Martin Kuborn, alors maire, mentionne 11 ardoisières dans sa ville.
En 1898, l'ensemble des exploitations est petit à petit racheté par les frères Rother (Karl Eduard et August Friederich), les moins rentables sont fermées et les autres sont reliées et regroupées sous deux principales carrières : la carrière Johanna et la carrière Laura. L'importance des capitaux permettant le rachat et donc le monopole de cette industrie permet également la modernisation des installations, avec l'installation de machines à vapeur, pompes, treuils, plans inclinés et surtout la création d'une ligne de chemin de fer (à voie étroite) afin d'exporter les blocs de schiste, reliant ainsi Martelange à Noerdange en passant par Haut-Martelange et Perlé.
Le 21 juin 1908 est créee la Obermosel Dachschiefer- und Plattenwerke Obermartelingen.
Outre les installations d'extraction, la société achète également des maisons ou fait construire des bâtiments industriels tout autour du carreau.
A partir de 1923, la société se renomme "Ardoisières de Haut-Martelange.
La carrière Laura est fermée en 1929, puis Rombach une première fois en 1930 et Johanna en 1957. La dernière descendante des Rother s'éteint en 1985 et l'ardoisière est déclarée définitivement fermée le 04 Novembre 1986, elle n'existait plus que sur le papier depuis 1957.
En 1992 des habitants, ouvriers et passionnés constitue l'association "Les Amis de l'Ardoise" afin de conserver et valoriser cet ancien site ardoisier. C'est finalement dix ans plus tard en 2003 que le site devient la propriété de l'Etat luxembourgeois, sous la tutelle du Ministère de la Culture.
Sources :
Tous ces bâtiments que l'on voit en longueur concernent la carrière Johanna, voici une vue sur le magasin (1929), on peut encore lire "Grube Johanna 1929" sur la toiture. Les chiens-assis sont magnifiquement décorés d'ardoises.
Ce petit bâtiment abrite l'escalier menant à la carrière Johanna, c'est ici que le personnel descendait pour rejoindre les travaux. Aujourd'hui c'est l'entrée du circuit de visite. Derrière ce sont les ateliers des fendeurs.
Ce bâtiment est la scierie des dalles de schiste, juste devant se trouve le plan incliné de la carrière. Les blocs étaient remontés sur des wagonnets spéciaux dont le fond épousait et compensait le pendage du plan incliné.
La carrière Johanna exploitée plus longuement que Laura comprend 10 chambres (13-23) sur 200m de longueur et une profondeur maximale de -168m au niveau 31. On y accède par un plan incliné au niveau de la chambre 22.
Différents wagonnets circulaient sur une voie étroite, pour le transport des blocs ou la mise à terril. Notez que ces wagonnets de forme rectangulaire (Cf : dernière photo) s'ouvrent par le devant.
Cette première photo est un abri qui a été creusé en 1941 pendant la Seconde Guerre Mondiale.
Cette porte surmontée d'un linteau est datée de la même année et correspond aux lavabos, aux toilettes et à la cantine.
Ce premier bâtiment abrite le plan incliné de la carrière Laura. La signalisation peinte en blanc et vert que l'on retrouve sur plusieurs portes marque la propriété des Rother.
Ce second bâtiment abrite le puits Kuborn, en face de lui se trouve le garage pour camions, derrière le puits, le bâtiment de l'administration et tout au fond on retrouve le plan incliné de la carrière Laura.
Dans l'ancienne aire de stockage de dalles se trouve aujourd'hui un atelier de démonstration de taille.
L'emboutisseuse sauvée de l'ardoisière Donner se trouve également ici.
Cette drôle de machine ressemblant un peu à un tour sert à façonner les fleurets.
Angelsberg
Le puits est noyé.
Autre vestiges
Jean-Baptiste - Augustus : Caché dans la végétation, il reste la forme d'un puits carré bardé d'ardoises et complètement remblayé.
Ardoisières d'Asselborn
Cette ardoisière est située dans le village d'Asselborn au lieu dit d'Emeschbaach, elle est exploitée à partir de 1870 et devient la SA des Ardoisières d'Asselborn en 1894 avant de devenir la propriété des Donner en 1929.
Alors que l'exploitation est débutée à ciel ouvert dans un premier temps, elle se prolonge par la suite en souterrain assez profondément. Une centaine d'ouvriers travaillent à l'ardoisière et fournissent une ardoise de qualité.
Elle ferme en 1969.
Les anciens quartiers, déjà noyés, sont ensuite exploités par la DEA, Distribution d'Eau des Ardennes comme source d'approvisionnement en eau. Aux dernières nouvelles un projet de "musée" serait en cours afin de permettre la visite du site souterrain.
Ce puits desservait les niveaux les plus profonds.
L'entrée principale se trouve dans la carrière anciennement à ciel ouvert. Cette seconde entrée servait visiblement de poudrière.
Voici maintenant des photos en vrac d'ardoisières ou se rapportant à ces carrières, mais dont l'intérêt est un peu moindre.