“ Les Forges de Clabecq ”
La victime silencieuse se souvient d'un passé glorieux.
J'ai été frappé de démesure, de complexité, d'élégance, de couleurs, de formes, mais plus que tout, j'ai été choqué par ce silence de mort. Un formidable mélange improbable entre la douceur naturelle de la végétation et la grandeur du monstre refroidi et rouillé.
Les Forges de Clabecq était une usine sidérurgique qui construisait principalement pour les chemins de fers. L'usine était alors la plus importante de Belgique. Il y avait une forge ici déjà en 1752, mais il faudra attendre une centaine d'années plus tard pour véritablement voir s'instaurer "Les Forges de Clabecq". Entre temps Napoléon 1er ordonna de créer un canal entre Bruxelles et Charleroi en 1812. En 1819 la "fonderie et platinerie en fer de clabecq" comprend un haut fourneau et des cylindres à laminer. Une dizaine d'années plus tard c'est Edouard Goffin qui reprend la société et la sauve de la faillite. Quand en 1832, le canal est terminé, soit vingt ans après sa création, on y voit une chance de développer le paysage industriel dans la région. C'est pourtant seulement vers 1850 que la société s'agrandit, aidé de son frère Charles-Henri, ils installèrent un laminoir et un raccordement aux voies de chemins de fer.
Tout cela aide grandement les Forges pour recevoir et envoyer des marchandises, en 1888 elle est doté d'un laminoir et adopte le statut de société anonyme : SA des Forges de Clabecq, toujours dirigé par la famille Goffin. En 1911 l'usine passe de transformatrice à productrice d'acier avec de nouveaux hauts fourneaux, des laminoirs et une centrale électrique. Puis en 1972 un nouveau haut fourneau (HF6) avec la coulée en continue. Les forges disposent alors de sa propre tréfilerie (transformer du fer en fil). Ce sont des années de forte production et fabrique grâce à 780 000 tonnes d'acier : des tôles, tubes et fils.
Mais avec le premier choc pétrolier en 1973, les conditions économiques de l'acier vont considérablement changés, avec augmentation du prix des matières premières, n'épargnant pas les Forges en d'importantes restructurations de personnel. Malheureusement la situation va se dégrader d'années en années et empirer au début des années 90. Fin 1992 c'est la région qui sauve Les Forges d'une première alerte, 94-96 sont marqués par des mouvements de grève et la faillite apparaît fin 96.
Duferco rachète en 1997 une partie du site pour sa localisation en vue de le transformer prochainement. Aujourd'hui il ne reste plus que le laminoir en activité avec un personnel réduit à 650 travailleurs, tout le reste de l'usine est a l'arrêt, et une grande partie à déjà été démolie (bâtiments administratifs, pelletisation). Quand on sait que l'usine a accueilli jusqu'à 6000 travailleurs, c'est un gros coup dur.
Quel avenir pour Clabecq ?
Il est peu probable que ce patrimoine soit sauvegardé, en effet réhabiliter un haut fourneau coûte cher, trop encombrant, et on ne saura pas le valoriser à sa juste valeur. Il faut savoir qu'il existe déjà 3 autres sites de ce genre au Luxembourg, en Allemagne et à l'est de la France, il existe donc déjà un patrimoine de ce genre (mais pas en Belgique !)
Pourtant les haut fourneaux 1 et 2 ainsi que leurs châteaux d'eaux, notamment celui en brique, sont aujourd'hui plus que centenaire et font sans nul doute partie du patrimoine industriel de Belgique. Plus que tout, le système de chargement de ces haut fourneaux constitue à lui seul ce patrimoine puisqu'ils sont les derniers à posséder ce type de monte charge : à benne de type Staelher.
L'histoire se répète donc, à l'instar d'une semblable papeterie, ce patrimoine industriel est menacé de démolition, et rien n'est engagé pour sa sauvegarde. Pourtant l'intérêt est là, encore visible et en bon état, mais ce n'est pas assez apparemment. Il est question d'implanter des logements et de nouvelles entreprises, sur les 80 hectares que comprend les Forges, et ce malgré qu'une grande partie du site soit pollué. La solution consistera à la réaffectation des sols en enlevant la couche pollué et à la construction d'un sarcophage.
Tout cela me rappelle une bien mauvaise fin, tant pis pour l'histoire, tant pis pour le patrimoine, ils n'en ont que faire.
De retour en 2010 le site disparaît de plus en plus, le haut fourneau 1 n'existe plus, ainsi que le hall de charge. Les forges disparaissent. En 2012 le 04 septembre à 11h54, le HF6 lui aussi à son tour tombait. Les forges deviennent inexistantes. Seul le HF2 est conservé "en l'état" pour le moment, mais son avenir est très incertain à court terme, à mon avis, le château d'eau devrait être sauvegardé, et on espère de même pour le système de chargement.
Lectures et Recommendations :
Il me semble nécessaire de citer deux principaux sites qui ont pu mieux parcourir le site que moi, tout d'abord Vincent, qui a largement su mettre en valeur tout le site, tout en sauvegardant lui même de précieux documents. Et celui de Gilles qui m'a particulièrement plu, riche en émotions et clairement explicite.