Alors qu'elle est considérée comme la plus importante friche de l'île de France, la Papeterie Darblay est l'un des rares patrimoines industriels à avoir garder l'ensemble de son activité sur le même site depuis plus d'un siècle : ici il y a toujours eu une papeterie. Un patrimoine industriel reconnaissant et important qui a vu se transformer la ville et la région. Malheureusement aujourd'hui cet unique espoir est menacé de démolition, au profit de l'accentuation démographique et du prix de l'immobilier.
Le lieu est énorme constitué de plusieurs bâtiments, certains datant du début du siècle donc, typique de cette époque (briques, larges fenêtres à carreaux, oeil de boeuf, verrières, architecture métallique) et d'autres plus récents. Les bâtiments sont souvent reliés entre eux par des "interconnexions" de tunnels, facilitant l'accès de l'un à l'autre. Une architecture pensée pour suivre le sens de travail et faciliter l'acheminement final du papier, on passe donc des matières premières à de grands hangars de transformations, à la confection de la pâte, au moulage, au séchage... Enfin une autre partie des installations est constitué de bureaux, d'archives et de plans, d'un service de pièces détachées et son système électrique, facilitant le bon fonctionnement de l'usine et ainsi être le plus autonome possible.
L'usine se développe au fur et à mesure des années, l'environnement s'agrandit, avec la révolution industrielle au début du XIXeme siècle, et devient "Société anonyme des papeteries Darblay" en 1908.
Aujourd'hui on se rend mieux compte de la taille de l'usine, les allées forment presque des rues, l'Essonne passant au milieu des bâtiments, les restes de rails au sol forment un véritable pôle ferroviaire : une vraie ville en somme. Un site exceptionnel comme le pouvait être a cette époque, dans un autre genre l'Ile Seguin.
Le coeur de Darblay réside, mis à part son architecture, dans ses forces : ses machines, son organisation et ses méthodes employées, notamment tout son système ferroviaire, encore bien conservé. Il permettait de transporter des matières d'un bâtiment à un autre grâce aux interconnexions tout en restant au même niveau. Innovant ! Il faut savoir que le produit commençait dans les étages pour finir "au plus bas" signe de sa finalité
Un site immense qui disparaît encore, sous mes yeux, impuissant, je reste toujours autant surpris par la stupidité des autorités à effacer un site comme celui-ci d'un claquement de doigt alors qu'il mériterait d'être conservé, et sauvegardé, tant il a été productif, innovant et un pilier industriel de la région.
Quel avenir pour Darblay ?
Finalement, Bouygues emporte le morceau pour 16 millions d'euros. Huit cents logements, reflétant toute la gamme de la mixité sociale, seront construits ici, indique M. Fritz. Les bâtiments conservés seront affectés à des usages collectifs : école, crèche, restaurant... Il s'agit de la maison du directeur (1885), des beaux édifices voués à la fabrication de la pâte de chiffon (1884-1889), de l'atelier de préparation du sulfate d'alumine (1906) (Source : Cilac)
Plan du site
Voila un plan vue du ciel, où l'on distingue bien l'Essonne, les interconnexions, et l'ampleur du site. (Copyright Google Maps)
Un petit rappel :
La papeterie d'Essonnes produit par exemple 100000 kg de papier par jour en 1897, soit un dixième de la consommation française.
Elle couvre avec ses annexes une superficie de plus de 10 0000 m²
Elle emploie environ 2000 ouvriers et 1100 en 1970.
La machine 22 est considérée comme la plus large d'Europe (3,85 m), 29 machines en 1913-14.
Fusion de la papeterie Chapelle et des papeteries Darblay. La Société Chapelle-Darblay existe toujours aujourd'hui, elle fait partie du groupe finlandais papetier, UPM
1980, dépôt de bilan, 1996 fin des activités.
C'est ici que fut inventé un produit que l’on trouve dans toutes les maisons aujourd’hui. Un papier qui se proposait de remplacer le chiffon. On lui a donné un nom qui est devenu un générique. So-Pa-Lin, pour Société des Papiers Linge.
Lectures et Recommendations :
Je le cite encore une fois, c'est l'un des plus complet sur le sujet, Jean Paul Delacruz, vous propose une visite complète et très détaillée de tout les différents bâtiments et machines du site : Derelicta
Un large historique de la papeterie, et de son fonctionnement ainsi que des photos d'archives très intéressantes, une bonne dose de documentation sur le sujet proposé par Nicolas Pierrot et Louis André : Revue archéologie industrielle
Le site de Nomad, qui fût mon principal compagnon d'exploration, durant plusieurs mois, où nous avons rêver et découvert ensemble, le monde de Darblay.
Darblay
En allant à la papeterieOeil de boeufSalle de dépôt
Darblay sur EssonneChaussures de sécuritéA coeur ouvertPoteaux
Darblay
Le système ferroviaire
Voilà donc le fameux système ferroviaire, les wagons sont poussés à la main, et suivent un cheminement au sol, les demi tours et autres changement de direction se font grâce à des parties où les rails s'élargissent et où le wagonnet peut donc se tourner librement (Cf: Aiguillage)
Escalier en boisLe coeur de DarblayEscalierTransfert
Les railsAiguillageEmbranchementLa gare
SolitaireWagonnet platWagon corbeille
Il y avait différents wagons, certains en bois, d'autres en fer pour transporter à chaud les additifs à mélanger.
Grâce a ce réseau on pouvait donc passer des bassins des piles hollandaises, aux réserves d'additifs (dans le même bâtiment) ou bien venir des réserves de cellulose par le biais des interconnexions
Architectures de travail
Voila ce que l'on appelle interconnexion, des couloirs reliant un bâtiment à un autre tout en restant à la même hauteur
Les verrières, sont nombreuses sur le site, pas toute en bon état mais elles font partie du style architectural de l'époque, et permettaient de faire rentrer la lumière dans de grands édifices
A ciel ouvertLes verrières
Élevé sur deux niveaux, les pièces détachées, sont toutes répertoriées par leur référence (code barre) et par des post-it de couleurs, classé par taille et type de pièces. Il devait y avoir ici tout le nécessaire pour réparer une machine défectueuse, et cela rapidement.
Juste en face, les archives et divers documents, des contrats, des factures, des demandes de propositions le tout en mauvais état délabrée par la pluie
Pièces détachéesArchivesVrac
Les Modèles
Au fil des années l'usine s'est considérablement développée, avec l'ajout de nouveaux bâtiments de productions, ce qui signifiait une main d'oeuvre plus importante. L'entreprise, comme à son image d'auto-suffisance, construisit donc hors de ses remparts, pour accueillir et satisfaire ses ouvriers. En regardant de vieux plans on y voit figurer une école, une crèche, une église, et tout une cité ouvrière : rien que ca ! Une façon de fidéliser un peu plus son personnel.
La papeterie compte de nombreuses machines, et outre le fait d'avoir comme on l'a vu un stock importants de pièces détachées, il fallait à un moment ou un autre se réapprovisionner. Pas de problèmes ! C'est ici qu'interviennent les modèles. Comme son nom l'indique, ils servaient à (re)faire de nouvelles pièces, à partir de pièces déjà existantes en bois voire en acier. Aux Tarterets se trouvait donc un atelier de forgerons et de menuisiers qui construisaient ces pièces.
On remarquera que souvent ils sont peints cela pour deux choses, d'une pour égayer l'entreprise et favoriser un climat de travail souvent pénible pour l'ouvrier, mais surtout car l'usine accueillait ses clients et futurs, cela dans le but de leur transmettre une conception peut être plus sûre et bienveillante de son auto-fonctionnement.
Magasin de modèlesEtagèresEtabli
Modèles en vracCalendrier
La machine 9
La salle la plus impressionnante du site incontestablement, également le bâtiment le plus "moderne" (1961), c'était la machine à papier, on y sortait des rouleaux de papier.
L'arrosoir arroséMachine 9CasiersHors Service
De l'autre côtéManomètresArmoire métalliqueCrochet
EngrenageMachine 9PressePanorama
Les Cicatrices de Darblay
Rust streetLe bureauVitre
PleurnicheriesCirconvolutionsJe te voisColoRust
Dédale électriqueCarrelageStrates
Des détails, des couleurs, des formes, et beaucoup de rouille, comme il y en avait beaucoup.
La Démolition
Comme je l'ai dit plus haut, Darblay se meurt aux sons des pelleteuses, détruisant bâtiments vieux de plusieurs années en a peine quelques minutes...
Démolition
Les restes de la TourPour vous Bouygues efface l'Histoire
La Maison du Directeur
La Maison du Directeur est construite par Paul Emile Friesé (de même que les bâtiments du port, et d'autres sur le site principal. Mais il est plus connu pour avoir construit la tour silo des Grands Moulins de Corbeil.) Elle se situait juste derrière la grande entrée du site, aujourd'hui elle parait à l'écart, vu que tout le quartier a changé. A l'intérieur, ce sont de grandes pièces, principalement constitué de boiseries (portes, plancher, lambris...), auquel s'articule au centre un escalier qui élève l'édifice sur trois étages.
Aujourd'hui, le bâtiment est complètement vide, mais surtout saccagé par des squatteurs (qui a dit roumains ?) qui occupe (déjà) la maison d'à côté, résultat c'est une vraie décharge à l'intérieur, on a tout volé, même le plancher ! Il serait urgent d'entamer les travaux, également de ce côté-ci, avant que la Maison ne soit définitivement en voie de s'effondrer.
HublotBoiseriesLe grand escalierLa Maison
Le Port Darblay
Avec la production qui augmente et le besoin de nouvelles matières premières, la Seine apparaît comme le moyen de transport idéal. Le Port Darblay servait notamment à cela, une petite structure situé sur les quais de Seine, permettait de débarquait les marchandises, les bateaux à quais pouvaient en échange récupérer le papier prêt à être livrer. De plus on pompait l'eau de la Seine ici que l'on envoyait directement à la papeterie (Car l'Essonne ne suffisait pas) ce qui donne une idée de la quantité d'eau nécessaire à la papeterie pour fonctionner.
L'annexeLe bâtiment principalLes pompes
Le Tunnel ferroviaire
Le tunnel servait donc à faire la liaison entre le port et la papeterie, on compte à peu près 700m de tunnel souterrain, qui partait à flanc de colline. Le tunnel est à voie unique. Il reste encore les marques des rails traversant la route au niveau du Port. Il débouche de l'autre côté sur le site de la papeterie et par un un raccordement rejoignait le réseau de la voie ferré "classique". Encore une fois on voit tout le succès de l'entreprise à maîtriser ses propres infrastructures. C'est aussi par là que passait les gros tuyaux qui alimentaient la papeterie en eau.