“ Les carrières d'ocres ”
L'ocre est une substance minérale argileuse qui peut prendre plusieurs teintes, colorée en rouge par l’hématite, en jaune par la goethite ou en brune par la limonite. On s'en sert principalement comme pigment de coloration.
L'ocre dite naturelle est l'ocre jaune (goethite). L'ocre a été formé au crétacé supérieur, à partir de glauconie (Crétacé inférieur, Aptien)
Le gisement d'ocre du Vaucluse est le plus important de France, et selon certains, considéré comme étant le plus riche du monde. Il se divise en deux bassins : :
- Celui de Mormoiron
- Celui d'Apt

Nous allons étudier le bassin d'Apt qui est le plus grand mais aussi qui a été le plus prospère. Le gisement se situe dans les alentours de la ville d'Apt, principalement sur les communes de Gargas, Gignac, Roussillon, Rustrel et Villars. Il s'étend d'Ouest en Est sur une vingtaine de kilomètres et sur trois kilomètres du Nord au Sud.
L'exploitation de l'ocre se situe vers 1780 sous l'impulsion de Jean-Etienne Astier, habitant du village de Roussillon qui en s'intéressant aux terres de sa région en redécouvrit la stabilité et surtout l'inaltérabilité de l'ocre dans la peinture. Lorsqu'il décède en 1836, son exploitation et fabrication de poudre d'ocre est restreinte, mais le début de l'industrie ocrière était lancée. C'est à partir de la fin du 19ème siècle que l'extraction, le traitement et la commercialisation, prennent un essor considérable, notamment par la construction du chemin de fer.

Les premières carrières s'ouvrent, on en dénombre 17 souterraines et 32 à ciel ouvert en 1900, représentant 14 600 tonnes d'ocres. Des usines de traitement s'adjoignent aux carrières dans les petits villages, et les premières sociétés prennent forment, dont la SOF (Société Ocrière de France) en 1901. La société qui exploite déjà le gisement de Bourgogne (Alors premier gisement d'ocre de France, dans la région d'Auxerre) vient donc s'implanter à Apt. D'autres sociétés suivent le pas en 1905 : le COF Comptoir des Ocres Françaises est crée et également la Société des Ocres du Vaucluse, ainsi que les entreprises dites "familiales". La production augmente pour atteindre 36 000 tonnes dans les années 1910 et malgré la Première Guerre Mondiale la production va finalement atteindre son apogée avec 40 000 tonnes en 1928, dont 90% est exporté à travers le monde.
Malheureusement l'arrivée des colorants synthétiques va bouleverser la donne, cette industrie en plein essor va être fauchée dans sa lancée à partir de 1929 en pleine crise, la production s'effondre brutalement, le marché se restreint et certaines sociétés mettent la clé sous la porte.
En 1950 la production stagne à 15 000 tonnes.
En 1955 le bassin de Roussillon et Villars est arrêté, cinq ans plus tard la SOF se concentre sur la Provence et ferme définitivement l'usine en Bourgogne. En 1962 Janselme prend également la lourde responsabilité d'arrêter. L'usine Mathieu s'arrête vers 1963. En 1970 seule quatre sociétés existent encore :
- Établissements Chauvin
- Société Lamy
- Établissements Pons
- SOF
Aujourd'hui la SOF est la dernière société ocrière en exploitation en France et en Europe, elle exploite le gisement de Gargas et traite sa production dans l'usine des Beaumes à Apt.
Il y a quatre étapes principales concernant l'industrie ocrière :
L'extraction
On extrait l'ocre soit en souterrain soit à ciel ouvert. On accède aux carrières de trois sortes :
- Par puits
- Par descenderies
- Par cavages
A ce propos, dans tous les documents que l'on peut lire il y a eu un gros problème d'entente sur le régime d'exploitation de l'ocre. Ce problème d'ambiguïté repose sur le terme à utiliser : mines ou carrières ? L'ocre étant une substance composé de sable (roche) et d'oxyde fer (minéral), chacun à nommer son exploitation avec un terme différent et c'est donc pour cela que l'on peut lire les deux appellations.
Les couches peuvent aller jusqu'à 35m d'épaisseur, mais on a exploité sur des hauteurs avoisinant entre 2,5m et 7m en moyenne. Le carrier commence par tailler une voûte qui représentera le ciel, puis un mineur, de chaque côté creuse des tranches descendantes. Un gros bloc commence à se former au centre, il est enlevé à l'aide d'explosifs. D'abord exploités par piliers de 3m puis finalement de 6m de largeur (en cause un nombre important d'accident) avec un espacement de 3m, certaines galeries atteignent malgré tout les 9m (Gargas) quand on a mesuré les plus hautes à 25m à Rustrel. Malgré ces hauteurs il n'y a pas besoin de consolidations, la roche est suffisamment compacte pour supporter le poids du ciel. L'exploitation en souterrain diminue progressivement dans les années 1950 pour se tourner vers le ciel ouvert. La dernière exploitation en souterrain se trouvait à Rustrel en 2003. Aujourd'hui à ciel ouvert, on extrait l'ocre par gradins de 15m de hauteur sur 5m de largeur à l'aide d'un bulldozer, avant de l'expédier par camions vers le lavage.
Le lavage
Pour être plus précis on parle de sable ocreux, l'ocre pur ne représente que 10 à 20%. L'ocre est constituée d'une argile pure, la kaolinite associée à un oxyde de fer qui lui donne sa couleur définitive. Pour extraire l'ocre il faut donc le séparer du sable, par une opération : le lavage. Il s'effectue sur une période de cinq mois de deux façons :
- Jusque dans les années 60 on utilisait un malaxeur, on fait s'écouler le sable avec de l'eau dans des batardeaux, le sable étant plus lourd, va tomber au fond tandis que l'ocre, plus léger, va flotter et s'écouler vers des bassins de décantation.
- Par cyclone, c'est une façon plus moderne qui, grâce à la force centrifuge permet de séparer l'ocre du sable.
L'ocre une fois séparée de son sable est envoyée vers des bassins de décantation. Une fois qu'ils sont pleins, ils sont asséchés pendant une période de cinq mois (c'est à dire tout l'été), en s'évaporant l'ocre va se durcir, on réalise à sa surface un quadrillage qui va venir "entailler" l'ocre pour former des briquettes (les formes obtenues dépendent bien entendu du quadrillage). Ces briquettes sont ensuite stockées et vont terminer leur séchage à l'abri. Un bassin peut contenir jusqu’à 60 tonnes d'ocre.
Le traitement
Le traitement de l'ocre se fait à l'usine pour terminer sa fabrication. On va calciner l'ocre naturelle à 900 degrés pour obtenir de l'ocre rouge (l'hématite). La cuisson dure 15 minutes, après son refroidissement, l'ocre est broyée puis ensachée. Pour obtenir des teintes différentes il faut mélanger plusieurs ocres provenant de gisements différents.
La commercialisation
- Société des Oces de France
- L'exploitation des ressources minérales en Vaucluse - ASPPIV
- L'épopée industrielle de l'ocre en Vaucluse et Pays d'Apt, du XVIIIe siècle à aujourd'hui - Dominique Bel