A la fin du XIXème siècle, l'activité économique de la ville repose principalement sur des secteurs traditionnels, l'agriculture se transforme et évolue vers des cultures maraîchères, la vigne finit par disparaître, les moulins cessent peu à peu leur activité. L'exploitation de l'argile, quand à elle, se développe et s'intensifie pour en devenir la principale industrie de la région.
Emile Muller (1823-1889) est le fondateur de la "Grande Tuilerie" d'Ivry sur Seine depuis 1854 (La plus vaste usine du monde de produits céramiques pour construction, industrie et productions d'art, 1889). Sa tuilerie prospère et se distingue dans de nombreuses oeuvres d'art qui sont récompensées par plusieurs prix. Pour l'Exposition Universelle de 1900 l'usine réalise la toiture du Petit et Grand Palais ainsi que leurs frises. C'est son fils Louis qui lui succède, à sa mort, il se spécialise alors dans la céramique architecturale dont les exemples les plus parlants sont entre autre les chocolateries Meunier, les tuiles des hospices de Beaunes ou encore celles pour le Mont Saint Michel.
L'usine compte cinq fabriques, chacune spécialisée dans un domaine, en 1904 la société se renomme "Société nouvelle des Etablissements Muller". En 1910 une nouvelle usine est crée mais rapidement mise en faillite. Camille Bériot, l'a rachète tout en gardant la raison sociale. Il devient entre temps le nouveau directeur des Etablissements Muller. En 1922 il fait alors construire une autre usine en banlieue, plus précisément à Breuillet, dans un milieu riche en carrières d'argiles (argiles sparnaciennes). Celle-ci est spécialisée dans les produits réfractaires. L'usine est importante et compte jusqu'à 550 employés. Camille Bériot décède en 1939 et c'est son fils Jacques qui lui succède jusqu'en 1968 au terme duquel, la société trop endettée est vendue à une filiale du groupe Lafarge. Celle-ci la cède quelques années plus tard au groupe Allemand, Didier-Wercke, fabricant de céramique haute température. En 1995 la société est rachetée par le groupe RHI Refractories. L'usine fabrique alors des briques pour les fours industriels. Malheureusement, l'usine cesse définitivement toute activité en Mars 2003.
L'usine de 4Ha est divisée en deux (une route les sépare) :
Le site "du haut" qui représente les photos présentées ici. RHI y possède encore des bureaux commerciaux accolés à l'ancienne briqueterie.
Le site "du bas" qui a été entièrement détruit à la fermeture. Le site est depuis ré-utilisé par d'autres entreprises.
A sa fermeture l'usine est quasiment vidée et des années d'abandon n'auront pas le privilège d'améliorer sa situation. Néanmoins il reste tout de même le four tunnel, le séchoir, l'aire de stockage, les machines de dosage, concassage et malaxage, la centrale électrique et l'ensemble des premiers bâtiments.
Aujourd'hui, alors que rien n'est fait le site est entièrement pillé, vandalisé, celui-ci se dégrade tellement qu'il s'effondre par endroits, seule la structure du bâtiment présente encore un peu d'intérêt.
Entre 2018 et 2019 le site est entièrement démoli.
Un petit rappel :
A la base de la brique il y a l'argile, principale matière première. Elle est extraite en carrière, ici à ciel ouvert à proximité de la briqueterie ou dans le département. Une fois extraite il faut suivre une certaine procédure afin d'obtenir notre brique :
Le broyage et le malaxage pour rendre l'argile plus souple et éliminer les impuretés, puis le dosage et le mélange, action qui modifiera ses qualités sur le produit final (en fonction du produit souhaité).
Le moulage : il faut que l'argile soit assez humide pour lui faire prendre facilement la forme souhaitée, on y ajoutera même du sable ou de la sciure de bois pour ne pas qu'elle colle au moule.
Le séchage : la brique doit perdre toute son eau, avant de passer au four, ceci pour éviter qu'elle ne se casse sous la dilatation de la vapeur. Durée de séchage entre deux et trois jours.
La cuisson : c'est là que notre produit se transforme véritablement en brique. La température monte progressivement jusqu'à atteindre 900 degrés. A cet instant on arrête l'alimentation en air dans le four, ce qui va provoquer un changement de coloration de la brique passant alors du rouge au bleu.
Sources :
Marc Maison
Ville de Breuillet
Ville d'Ivry-sur-Seine
RHI
La briqueterie
Briqueterie
Une vue depuis la rue, on y voit les premiers bâtiments encore existants accolés au coteau et derrière ceux rajoutés avec les années, notamment la centrale électrique, l'aire de stockage au fond et sur la droite les bureaux commerciaux.
StockageCheminée
Voici l'aire de stockage des matières, dispatché d'en haut par bande. A l'époque cela arrivait par la carrière qui se situait derrière (fin d'exploitation dans les années 1950) et dont il ne reste quasi rien mis à part l'ancienne cheminée de l'ancien four qui sert aujourd'hui pour les antennes relais.
Pupitre de contrôleMélangeurBroyeurConcasseur
Cette machine complexe sert au broyage et au dosage des matériaux.
RemorqueRails / Berline
Ce sont les mêmes remorques qui étaient utilisées à Darblay, elles ont l'avantage de ne pas nécessiter de rails. Le constructeur en propose aussi avec des bennes Petolat directement montées dessus.
Moteur DUVANTGraisseursPlastronPanneau électrique
C'est un moteur Duvant 4 cylindres en ligne de la série VI de 285 CV. D'ailleurs, étonnant, deux des cylindres sont sur-alimenté. Ce moteur au fioul actionnait un alternateur juste à côté, et devait servir de groupe électrogène.
Etablissements DuvantPlan du moteur Duvant
Il y avait une pile d'archives et de documents en tout genre, principalement des plans de carrières, des photos, mais aussi des factures et des devis. Dedans on y trouvait encore la facture d'envoi du moteur Duvant, elle date de 1949.
Les fours
RayonnageLa porte verte
Le bâtiment principal qui accueille le four et les rayonnages au premier, notez l'architecture tout en béton.
Wheel of TimeProduits chimiques19ArchivesVeste
Il reste aussi tout un bric à brac un peu partout...
L'entrée des foursRessortChargementIntérieurDétails briques
C'est la partie la plus intéressante du site.
C'est un four tunnel à sole mobile. On appelle sole la partie inférieure du four, c'est à dire le plancher. L'enfournement se passe par l'avant, chargé sur des wagonnets, ceux-ci avancent et suivent différentes zones du four : le préchauffage, la cuisson puis le refroidissement. A la sortie, à l'autre bout, les briques sont quasiment prêtes pour être expédiées.
On peut très bien voir le treuil à l'entrée des fours, qui permet de faire avancer la sole.
Vue de derrièreFourBrique
Voici une vue arrière, du côté du four de séchage, celui-ci est presque entièrement détruit. Au sol, je trouve une brique estampillée des initiales de la société.
MoulesMoule
Voici une partie des moules qui étaient encore sur le site, ce sont de très belles pièces de menuiserie.
L'histoire de la frise
Cette frise se trouve aujourd'hui à l'entrée de Breuillet, elle a servie comme élément de décoration pendant l'Exposition Universelle de Paris en 1900. Elle est nommée "frise du travail" car elle représente plusieurs catégories d'ouvriers liées au monde du travail artisanal, rural et industriel.
Elle était située plus particulièrement à l'entrée principale dite "l'entrée Monumentale" près de la Place du Concorde. Cette entrée est l'oeuvre de René Binet (1866-1911), elle se constitue de trois grandes arches disposées en triangle qui supportent une couronne faisant office de dôme, celui-ci est surmonté de la statue de la Parisienne. De chaque côté deux minarets de 35m reliés aux arches par les deux frises du travail.
L'oeuvre est sculpté dans l'argile par Anatole Guillot et réalisé (cuit) par le céramiste Emile Muller dans sa Grande Tuilerie. Après fermeture de l'Exposition, Emile Muller récupère cette frise avant qu'elle ne soit détruite et l'entrepose dans son usine où elle va demeurer oubliée pendant près de 60 ans.
Camille Bériot, achète également à Breuillet l'ancien moulin Hutteau (de Nicolas Hutteau ancien propriétaire et meunier décédé accidentellement) qui va d'abord servir de remise puis sera transformé en logements de fonction pour les salariés de l'usine. Le terrain du moulin est transformé en parc, d'abord pour les salariés puis finalement ouvert à tous. Quelques sculptures en céramiques sont alors exposées librement dans le parc. Roger Moessner, directeur de l'usine, réaménage le parc pour les enfants et les habitants, il décide la construction d'un théâtre en plein air. Pour habiller ce théâtre il se souvient qu'il reste alors des oeuvres dans l'usine d'Ivry, la frise est retrouvée, ré-assemblée et installée au parc.
Une dizaine d'années plus tard en 1975, le gardien de la propriété meurt et le parc est fermé et abandonné.
Durant ces années, la fresque oubliée, est détériorée, pire on prévoit une déviation routière qui doit passer par le parc, la frise est menacée de destruction mais le projet est annulé. La frise est finalement classée, le terrain racheté par la commune et le moulin devient alors le centre culturel du moulin des Muses.